Cheikh Mohamed Ali Ferkous ( Qu' Allah le préserve )
La question : Quel est le jugement concernant les maris qui désertent leurs épouses et leurs enfants et les laissent sans dépenses ni prise en charge ?
Sachant que cette situation pourrait durer plusieurs années. Et quel est le jugement concernant les maris qui laissent leurs épouses en suspens (ni divorcées ni mariées) et cela dure quelquefois jusqu’à la mort de l’un des conjoints.
La réponse : Louange à Allah, Maître des Mondes; et paix et salut sur celui qu'Allah عزّ وجلّ a envoyé en miséricorde pour le monde entier, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu'au Jour de la Résurrection.
Ceci dit : Les oulémas sont d’accord qu’il est obligatoire aux époux de pourvoir aux dépenses de leurs épouses si elles sont majeures sauf celles qui leur désobéissent, conformément au verset où Allah تعالى dit :
وَعَلَى الْمَوْلُودِ لَهُ رِزْقُهُنَّ وَكِسْوَتُهُنَّ بِالْمَعْرُوفِ﴾ [البقرة : 233].
Traduction du sens du verset : ﴾Le père de l'enfant est tenu de pourvoir à la nourriture et à l’habillement de la mère d’une manière convenable﴿ [El-Baqara (La Vache): 233].
Allah عزّ وجلّ dit également:
أَسْكِنُوهُنَّ مِنْ حَيْثُ سَكَنْتُمْ مِنْ وُجْدِكُمْ وَلَا تُضَارُّوهُنَّ لِتُضَيِّقُوا عَلَيْهِنَّ وَإِنْ كُنَّ أُولاَتِ حَمْلٍ فَأَنْفِقُوا عَلَيْهِنَّ حَتَّى يَضَعْنَ حَمْلَهُنَّ﴾ [الطلاق : 6].
Traduction du sens du verset :﴾Gardez les femmes répudiées dans vos propres demeures et traitez-les selon vos moyens, mais sans leur nuire en les faisant vivre à l’étroit. Si elles sont enceintes, assurez leur entretien jusqu’à l’accouchement﴿ [ Et-Talâq (Le Divorce) : 6].
Et Il dit :
لِيُنْفِقْ ذُو سَعَةٍ مِنْ سَعَتِهِ وَمَنْ قُدِرَ عَلَيْهِ رِزْقُهُ فَلْيُنْفِقْ مِمَّا آتَاهُ اللهُ لاَ يُكَلِّفُ اللهُ نَفْسًا إِلاَّ مَا آتَاهَا﴾ [الطّلاق : 7].
Traduction du sens du verset : ﴾Que celui qui est aisé dépense de sa fortune; et que celui dont les biens sont restreints dépense selon ce qu'Allah lui a accordé. Allah n'impose à personne que selon ce qu'Il lui a donné﴿ [ Et-Talâq (Le Divorce) : 7].
Plusieurs hadiths sont également rapportés à ce propos, parmi eux, le hadith du Prophète صلى اللهُ عليه وآله وسَلَّم lors du Pèlerinage d’Adieu : « Soyez bienveillants à l’égard des femmes, car vous les avez prises en tant qu’épouses par un pacte que vous avez conclu au Nom d’Allah, et vous vous permettez d’avoir des rapports avec elles au Nom d’Allah , vous êtes en droit d’exiger qu’elles refusent à ceux qui vous déplaisent l’autorisation d’entrer dans vos demeures. Si elles font cela, frappez-les sans les brutaliser. En revanche, vous devez leur assurer leur nourriture et leur habillement dans la mesure de votre capacité »[1] et dans le hadith rapporté par l’intermédiaire de `Âicha رضي الله عنها à propos de Hind Bint `Outba à laquelle le Prophète صلى اللهُ عليه وآله وسَلَّم dit : « Prends ce qui est convenable et qui suffit à toi et à tes enfants »[2].
Sur ce, pour que la pension soit du droit de la femme, il faut que le mariage soit valable, qu’elle permette à son époux d’avoir des rapports avec elle, qu’elle ne refuse pas de se déplacer avec lui là où il veut et qu’il jouisse d’elle. Si l’une des précédentes conditions n’est pas respectée, la dépense ne sera pas obligatoire pour l’époux.
Par conséquent, l’homme doit garder sa femme et la traiter avec égards, sinon il la libère sans lui causer aucun préjudice. Allah عزّ وجلّ dit :
فَإِمْسَاكٌ بِمَعْرُوفٍ أَوْ تَسْرِيحٌ بِإِحْسَانٍ ﴾ [البقرة : 229].
Traduction du sens du verset : ﴾Alors, c’est soit la reprise conformément à la bienséance, ou la libération avec gentillesse﴿ [El-Baqara (La Vache) : 229].
En outre, ne pas subvenir à ses dépenses contredit la reprise conformément à la bienséance, et la femme subit un dommage si on ne subvient pas à ses besoins. Allah عزّ وجلّ dit :
وَلا تُمْسِكُوهُنَّ ضِرَارًا لِتَعْتَدُوا﴾ [البقرة : 231].
Traduction du sens du verset : ﴾Mais ne les retenez pas pour leur faire du tort﴿ [El-Baqara (La Vache) : 231].
Le Prophète صلى اللهُ عليه وآله وسَلَّم dit : « Pas de nuisance, ni à soi-même ni à autrui »[3]. Pour cette raison, il est permis à la femme de demander au juge musulman d’enlever le tort et l’oppression, vu que son mari ne subvient pas à ses besoins étant donné son absence non justifiée, qui, de conséquence, lui porte préjudice. La femme pourrait également demander au juge musulman de se séparer de son époux s’il ne donne pas signe de vie même s’il lui a laissé de quoi dépenser.
Ceci est l’opinion de Mâlik et d’Ahmed رحمهما الله. La femme demande alors la séparation à cause du tort qu’on lui a infligé en raison de l’éloignement de son mari pas en raison de son absence.
De plus, même si les savants ont des opinions divergentes sur la durée dans laquelle on peut dire que la femme subit du tort et se sent en solitude et craint de commettre des interdits, et bien que Mâlik رحمه الله pense que la durée doit être estimée à une année lunaire, en effet, la durée minimale pour qu’il soit permis à la femme de demander la séparation est de six mois, et c’est la durée maximale que la femme pourrait supporter sans la présence de son mari. Ceci est l’avis de `Omar Ibn El-Khattâb et de Hafsa رضي الله عنهما. Il est aussi adopté par Ahmed رحمه الله.
Ceci dit, laisser les femmes en suspens et sans leur donner leurs droits est contraire au Livre et à la Sunna quant à l’obligation d’être bienveillant avec les épouses. Allah تعالى dit :
وَعَاشِرُوهُنَّ بِالْمَعْرُوفِ﴾ [النساء: 19].
Traduction du sens du verset : ﴾Et comportez-vous convenablement envers elles﴿ [En-Nissâ' (Les Femmes) : 19].
Le Prophète صلّى اللهُ عليه وآله وسَلَّم dit : « Le meilleur d’entre vous est celui qui le mieux ménage son épouse»[4]. Entretenir de bons rapports avec ses femmes requiert de donner à la femme ses droits quant à la dépense et à la jouissance ainsi que d’autres droits. En effet, négliger ces droits aboutit à commettre l’oppression et la nuisance prohibées, ainsi, il est du devoir du juge d’enlever le tort et d’éradiquer l’oppression à la demande de la personne lésée.
Le savoir parfait appartient à Allah عزّ وجلّ, et notre dernière invocation est qu'Allah, Seigneur des Mondes, soit Loué et que paix et salut soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu'au Jour de la Résurrection.
Alger, le 26 El-Mouharram 1426 H Correspondant au 7 mars 2005 G.
[1] Rapporté par Mouslim, chapitre du « Hadj » (hadith 3009), par Abou Dâwoûd, chapitre des « Rites » et par Ibn Madjah, chapitre des « Rites », par l’intermédiaire de Djâbir رضي الله عنه.
[2] Rapporté par El-Boukhâri, chapitre des « Dépenses » (hadith 5364), par Mouslim, chapitre des « Jugements » (hadith 4574), par Abou Dâwoûd, chapitre de la « Rente » (hadith 3534), par En-Nassâ'i, chapitre des « Jugements » (hadith 5437), par Ibn Mâdjah, chapitre des « Commerces » (hadith 2381) et par Ahmed (hadith 248454), par l’intermédiaire de `Âicha رضي الله عنها.
[3] Rapporté par Ibn Mâdjah, chapitre des « Jugements » (hadith 2430) et par Ahmed (hadith 23462), par l'intermédiaire de `Oubâda Ibn Es-Sâmit رضي الله عنه. Ce hadith est jugé authentique par El-Albâni dans Irwâ' El-Ghalîl (hadith 896).
[4] Rapporté par Et-Tirmidhi, chapitre des « Mérites » (hadith 4269), par Ed-Dârimi (hadith 2315), par El-Bayhaqi (hadith 16117) par l’intermédiaire de `Âicha رضي الله عنها et par Ibn Mâdjah, chapitre du « Mariage » (hadith 2053) par l’intermédiaire d’Ibn `Abbâs رضي الله عنهما. Ce hadith est jugé authentique par El-Albâni dans Sahîh El-Djâmi` (hadith 3314), Es-Silsila Es-Sahîha (hadith 285) et Âdâb Ez-Zifâf (page 197).
Source : http://www.ferkous.com